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La Presse envoie valser son édition papier

Chose promise, chose due: La Presse annonçait mercredi la disparition de son édition papier, quelques années après l'arrivée de La Presse+, qui était éventuellement appelée à succéder au quotidien imprimé.



Comme le mentionnent le texte de l'éditeur Guy Crevier et mon propre article sur la question publié sur Pieuvre.ca, la version numérique du quotidien de la rue Saint-Jacques serait "plus efficace" que la version papier, avec plus de 400 000 consultations de l'application par semaine. Et comme la version papier semble représenter un fardeau financier insurmontable pour Gesca, adieu le papier, à l'exception de la version du samedi, la fameuse "grosse Presse".

Bon choix? Mauvais choix? Gesca s'était engagée dans la voie de la disparition progressive du papier en lançant en grande pompe la version pour tablettes. Plus d'un journaliste au Québec et ailleurs a sans doute avalé de travers en apprenant que La Presse+ serait gratuite, perpétuant ainsi le modèle d'affaires qui a justement provoqué les graves problèmes financiers que l'on connaît.

Bien entendu, la version papier de La Presse est assortie de coûts incompressibles, sous la forme des frais d'impression et de livraison. Réduisez la quantité d'exemplaires et la qualité du papier autant qu'il vous plaira, il faudra toujours que ledit journal parte de la salle de nouvelles pour se rendre chez l'imprimeur, puis chez le lecteur ou dans un point de vente. Avec la version numérique, le contenu passe directement de la salle de presse à l'appareil du lecteur.

Quelques hics, cependant: Gesca a beau se vanter d'avoir plus de 400 000 "consultations" par semaine, impossible de savoir, à partir du texte de M. Crevier, si les annonceurs y trouvent véritablement leur compte. Si les revenus étaient véritablement suffisants, ne serait-il pas possible de conserver l'édition papier? Pourquoi forcer la transition maintenant? D'autant plus que contrairement à ce qui était envisagé, au tout début du plan numérique de La Presse, il n'est plus question de payer un abonnement de trois ans en échange du journal et d'une tablette.

La disparition des journaux papier est-elle inéluctable? Peut-être bien. Peut-être que la crise des médias est effectivement suffisamment grave pour que les éditeurs et les compagnies-mères en arrivent à cette ultime extrémité. Peut-être que quelqu'un trouvera enfin un modèle d'affaires valide pour l'information en ligne. En fait, le succès du New York Times, avec son nombre record d'abonnés à son mur payant, semble montrer le chemin à prendre. Le seul problème est que La Presse donne plutôt l'impression d'avoir pris ses jambes à son cou dans la direction opposée.

Par ailleurs, qu'adviendra-t-il du site web de La Presse? Vous savez, ce site Internet mis à jour en permanence durant la journée, plutôt qu'une seule fois par jour comme La Presse+, et qui est lui aussi tout à fait gratuit? La version papier du journal avait l'attrait qu'aura toujours le journal imprimé: facile à transporter, se plie (pour un rangement facile sous le lit), peut être échappé, on peut y écrire, y renverser un liquide, même le déchirer sans qu'il soit impossible de le consulter. Toutes des choses impossibles à accomplir quand il est question de consulter une tablette numérique.

Et si l'on veut accroître l'intérêt des gens envers La Presse+, pourquoi ne pas créer une application pour ordinateurs portables et de bureau? Il est certainement possible de créer des publicités "interactives" qui seraient cliquables avec une souris, plutôt que tactiles. Cette solution pourrait, après tout, représenter une alternative idéale pour ceux qui ne possèdent pas de tablette numérique, et qui n'ont pas envie de délier les cordons de la bourse pour se procurer une application "gratuite"

Alea jacta est, sans doute, pour La Presse. Et je doute fort que Gesca envoie sciemment son dernier journal à l'abattoir. Mais on peut certainement parier sur le fait que la gratuité fera éventuellement long feu.

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