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Payer? Ou ne pas payer... telle est la question

Est-il éthiquement permis de "contourner" les murs payants des principaux médias? La question se pose, alors que de plus en plus de publications traditionnelles abandonnent le modèle gratuit en ligne pour ériger des murailles numériques. Même La Presse +, vantée comme un modèle à contre-courant des tendances actuelles en matière d'information numérique, serait sur le point de plier bagage, estime Julien Brault, du côté de la publication Les affaires.



Arrive alors le Daily Paywall, un agrégateur de contenu médiatique qui offre des dizaines de milliers d'articles "piratés" - le tout gratuitement. Pire encore, le site offre de l'argent pour lire les textes en question.

Selon un papier publié par Vice à la fin décembre, le responsable du site, un certain Paolo Cirio, tente de faire tomber les murs payants en question. Cirio aurait d'abord "piraté" les murailles numériques des publications financières, avant de mettre en ligne quelque 60 000 articles du Wall Street Journal, du Financial Times et de The Economist, en plus de distribuer une partie de ce contenu en version papier un peu partout à New York.

En plus, si le lecteur répond correctement à un quiz concernant un article republié sur le Daily Paywall, celui-ci se méritera un billet vert. Cirio décrit le projet comme "un cocktail d'économie basée sur le partage, de financement collaboratif, de piratage, de marché de l'art et d'exploitation du travail à des fins de propagande politique".

L'artiste programmeur a payé des abonnements aux principaux quotidiens financiers, puis a codé un script pour se connecter automatiquement aux trois journaux une centaine de fois par jour. Cirio a ensuite mis sur pied un système de contributions destinées au projet, aux journalistes, ou encore à l'artiste lui-même.

Au-delà de la question du statement artistique, il est nécessaire de s'interroger sur la validité des murs payants s'il est possible - et légal - de créer des comptes permettant de diffuser largement l'information en ne prenant qu'un seul abonnement à diverses publications. Outre l'expérience de Cirio, l'un des exemples venant en tête est celui de NOT The New York Times, un compte Twitter utilisant un abonnement au grand quotidien new-yorkais pour publier des liens vers l'ensemble des textes publiés. Et comme se rendre sur le site du NYT via un lien Twitter n'est toujours pas comptabilisé dans les 10 articles gratuits offerts chaque mois, cela passe comme une lettre à la poste.

Sur papier, tout est parfait: vous avez votre information sans débourser un sou, le NYT récupère quand même de l'argent puisqu'au moins une personne est abonnée, et tout le monde est content. Le hic, c'est que cela revient au même que d'utiliser un modèle gratuit en ligne, et signifie donc un retour aux belles années des pertes massives de revenus qui ont poussé tant de médias à la faillite où à des compressions insoutenables à long terme.

Mais bon, je suis comme vous: même si je travaille dans le milieu journalistique, même si je comprends parfaitement la nécessité d'un mur payant, même si je suis tout à fait en faveur de faire payer l'information - après tout, tout se paye, que ce soit par une dépense directe ou par les impôts -, lorsque je tombe sur un article placé derrière un mur payant et que je ne trouve pas de façon directe d'accéder à l'information sans payer, je passe mon chemin. C'est aussi simple que ça. C'est la même mentalité que lorsque je magasine des articles en ligne. La plupart du temps, si un objet est vendu en ligne par Amazon à un prix parfois inférieur, ou sans frais de livraison, c'est la multinationale américaine qui empochera mon argent. Cette culture consistant à rechercher les aubaines a cela de bon qu'elle force les détaillants à rivaliser d'audace pour réduire leurs coûts au maximum, histoire de nous offrir les meilleurs prix.

Dans le domaine médiatique, toutefois, notre avarice se heurte à notre volonté de continuer de disposer de contenu intelligent, bien écrit et de qualité. Que faire? Je ne suis certainement pas prêt à dépenser des centaines, voire des milliers de dollars par an pour accéder à toutes les plateformes possibles et imaginables. Doit-on seulement effectuer des choix, quitte à faire son deuil de certains médias? Pourrait-on penser à des plateformes où l'on offrirait un abonnement à diverses publications en profitant d'un rabais? Une sorte de Rabais campus pour les publications numériques?

Ou doit-on plutôt se tourner vers les produits dérivés? Des tasses à l'effigie du New York Times, un costume de bain au logo de Radio-Canada, un décapsuleur Le Journal de Montréal?

Il est temps de se pencher sur cette question. Car en instaurant des murailles, il y aura toujours des gens qui tenteront de les contourner. Si des sauvageons peuvent franchir le Mur, dans Le Trône de Fer, ce n'est pas un mur payant qui arrêtera certains internautes.

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