En sommes-nous rendus là? Il semblerait bien que oui: lors d'un événement de campagne en date du 4 juillet, la candidate à l'investiture démocrate Hillary Clinton a défilé le long d'une rue de Gorham, au New Hampshire, histoire de prendre un traditionnel bain de foule.
Jusque-là, pas de problème. Le hic, c'est que les journalistes qui couvraient cette sortie aux allures quasi-présidentielles ont justement eu droit à un traitement quasi-présidentiel: non seulement ont-ils été tenus à l'écart de Mme Clinton, mais l'équipe de celle-ci a poussé l'audace jusqu'à encercler les représentants de la presse avec une corde, créant de fait un enclos mobile qui se déplaçait constamment, histoire de garder les journalistes à distance de la candidate.
Est-ce la façon dont les reporters sont considérés de nos jours? Comme du bétail que l'on traîne? Comme ces enfants de la garderie à qui l'on intime de tenir une poignée du "serpent", histoire qu'ils n'aillent pas traîner n'importe où? Ou comme des indésirables, des lépreux dont la présence est nécessaire, mais qu'on tente de garder à distance, histoire de ne pas attraper de maladies contagieuses? Ou, pire, pour éviter de devoir répondre à des questions?
S'il est un peu ironique que je m'appuie sur un article du Daily Mail pour rédiger ce billet, alors que le Daily Mail n'est pas vraiment connu pour la sévérité de ses normes journalistiques, le fait est que cette décision de Mme Clinton et de son équipe témoigne d'un véritable mépris pour ce qui est pourtant l'un des piliers essentiels de sa campagne. Après tout, sans médias pour relayer son message, il lui sera (beaucoup) plus difficile de l'emporter. On dira ce qu'on voudra de Facebook et de Twitter, l'impact des médias traditionnels est encore gigantesque, en politique, surtout lors d'une campagne présidentielle.
Bref, on nous prend un peu pour des cons. Et le pire dans tout ça, c'est que les journalistes acceptent le tout avec une certaine lassitude qui fait peine à voir. Les médias arrêteront-ils de couvrir Mme Clinton? Ce n'est pourtant que ce qu'elle mériterait, à voir l'affront fait aux représentants de la presse. Mais non: les journalistes vont suivre Mme Clinton de façon docile et contrôlée. Tout comme ils suivront les principaux candidats à l'investiture républicaine, ou les éventuels candidats démocrate et républicain à la présidence. Tout comme ils embarqueront dans les autobus de campagne des leaders politiques fédéraux canadiens. Je ne dis pas qu'ils sont tout aussi pires les uns que les autres. Sans doute qu'Elizabeth May ou Gilles Duceppe, ou peut-être même Thomas Mulcair ou Justin Trudeau seront plus ouverts, plus disponibles pour les journalistes.
Peut-être que, contrairement à ce que fait le gouvernement Harper depuis au moins un an, l'équipement des journalistes ne sera pas passé au crible par des chiens renifleurs de la GRC avant les points de presse. Peut-être que les reporters auront droit à plus de quatre questions par événement, contrairement - encore! - aux habitudes du premier ministre sortant depuis déjà plusieurs années. Peut-être que la couverture électorale sera un peu plus sérieuse cette année. Peut-être que les médias décideront enfin de se faire respecter par les décideurs, et qu'ils montreront qu'il peut effectivement y avoir des restrictions à l'accès de la presse. Après tout, chacun a droit à sa vie privée, même dans l'arène politique, et même lors d'une campagne électorale. Mais peut-être que les journalistes et leurs patrons martèleront enfin que de rapporter les informations dévoilées par les décideurs et les politiciens n'est pas un privilège, mais un devoir, et que les gens aspirant à gouverner ou occuper des postes importants ont l'obligation morale d'être transparents envers cette même population qu'ils veulent convaincre.
Aaron Sorkin a, dans un épisode de la deuxième saison de la télésérie The Newsroom, offert une scène fort intéressante de la révolte d'un journaliste coincé dans l'autobus de Mitt Romney, et qui se fait constamment fourguer les mêmes informations visant à donner un spin positif à la campagne, sans s'occuper de répondre aux "vraies" questions de la presse.
Et que se passe-t-il quand Jim finit de vider son sac?
Il se fait mettre dehors de l'autobus.
Le temps est-il venu de faire la "baboune" aux politiciens qui restreignent le travail des médias? Peut-être bien.
Ajout:
Le journaliste Justin Ling, chez Vice Canada, a pondu un excellent billet sur un sujet similaire, soit le contrôle stalinien des communications avec les médias de la part du bureau du premier ministre Stephen Harper. À lire!
Jusque-là, pas de problème. Le hic, c'est que les journalistes qui couvraient cette sortie aux allures quasi-présidentielles ont justement eu droit à un traitement quasi-présidentiel: non seulement ont-ils été tenus à l'écart de Mme Clinton, mais l'équipe de celle-ci a poussé l'audace jusqu'à encercler les représentants de la presse avec une corde, créant de fait un enclos mobile qui se déplaçait constamment, histoire de garder les journalistes à distance de la candidate.
Est-ce la façon dont les reporters sont considérés de nos jours? Comme du bétail que l'on traîne? Comme ces enfants de la garderie à qui l'on intime de tenir une poignée du "serpent", histoire qu'ils n'aillent pas traîner n'importe où? Ou comme des indésirables, des lépreux dont la présence est nécessaire, mais qu'on tente de garder à distance, histoire de ne pas attraper de maladies contagieuses? Ou, pire, pour éviter de devoir répondre à des questions?
S'il est un peu ironique que je m'appuie sur un article du Daily Mail pour rédiger ce billet, alors que le Daily Mail n'est pas vraiment connu pour la sévérité de ses normes journalistiques, le fait est que cette décision de Mme Clinton et de son équipe témoigne d'un véritable mépris pour ce qui est pourtant l'un des piliers essentiels de sa campagne. Après tout, sans médias pour relayer son message, il lui sera (beaucoup) plus difficile de l'emporter. On dira ce qu'on voudra de Facebook et de Twitter, l'impact des médias traditionnels est encore gigantesque, en politique, surtout lors d'une campagne présidentielle.
Bref, on nous prend un peu pour des cons. Et le pire dans tout ça, c'est que les journalistes acceptent le tout avec une certaine lassitude qui fait peine à voir. Les médias arrêteront-ils de couvrir Mme Clinton? Ce n'est pourtant que ce qu'elle mériterait, à voir l'affront fait aux représentants de la presse. Mais non: les journalistes vont suivre Mme Clinton de façon docile et contrôlée. Tout comme ils suivront les principaux candidats à l'investiture républicaine, ou les éventuels candidats démocrate et républicain à la présidence. Tout comme ils embarqueront dans les autobus de campagne des leaders politiques fédéraux canadiens. Je ne dis pas qu'ils sont tout aussi pires les uns que les autres. Sans doute qu'Elizabeth May ou Gilles Duceppe, ou peut-être même Thomas Mulcair ou Justin Trudeau seront plus ouverts, plus disponibles pour les journalistes.
Peut-être que, contrairement à ce que fait le gouvernement Harper depuis au moins un an, l'équipement des journalistes ne sera pas passé au crible par des chiens renifleurs de la GRC avant les points de presse. Peut-être que les reporters auront droit à plus de quatre questions par événement, contrairement - encore! - aux habitudes du premier ministre sortant depuis déjà plusieurs années. Peut-être que la couverture électorale sera un peu plus sérieuse cette année. Peut-être que les médias décideront enfin de se faire respecter par les décideurs, et qu'ils montreront qu'il peut effectivement y avoir des restrictions à l'accès de la presse. Après tout, chacun a droit à sa vie privée, même dans l'arène politique, et même lors d'une campagne électorale. Mais peut-être que les journalistes et leurs patrons martèleront enfin que de rapporter les informations dévoilées par les décideurs et les politiciens n'est pas un privilège, mais un devoir, et que les gens aspirant à gouverner ou occuper des postes importants ont l'obligation morale d'être transparents envers cette même population qu'ils veulent convaincre.
Aaron Sorkin a, dans un épisode de la deuxième saison de la télésérie The Newsroom, offert une scène fort intéressante de la révolte d'un journaliste coincé dans l'autobus de Mitt Romney, et qui se fait constamment fourguer les mêmes informations visant à donner un spin positif à la campagne, sans s'occuper de répondre aux "vraies" questions de la presse.
Et que se passe-t-il quand Jim finit de vider son sac?
Il se fait mettre dehors de l'autobus.
Le temps est-il venu de faire la "baboune" aux politiciens qui restreignent le travail des médias? Peut-être bien.
Ajout:
Le journaliste Justin Ling, chez Vice Canada, a pondu un excellent billet sur un sujet similaire, soit le contrôle stalinien des communications avec les médias de la part du bureau du premier ministre Stephen Harper. À lire!
Commentaires
Publier un commentaire