Jurez-vous de dire toute la vérité? Cette phrase toute simple, l'objectif ultime de tout journaliste - du moins dans une perspective classique de la définition du métier de reporter -, est trop souvent mise à mal par le mélange des genres. Ainsi, la confusion entre l'information et le divertissement a donné naissance à un excellent mot-valise dans la langue anglaise, infotainment.
Chez nos voisins du Sud, le milieu journalistique est en émoi depuis quelques semaines, après que Brian Williams, sans doute le chef d'antenne le plus respecté du pays, eut été pris la main dans le sac alors qu'il a reconnu avoir modifié sa version des faits à propos de son passage en Irak, se plaçant au centre de l'action, alors qu'il en avait plutôt été spectateur. Résultat? Six mois de suspension par la chaîne NBC, et un torrent de critiques de la part de ses collègues, surtout chez Fox News et dans les médias plus à droite.
Sur le coup, on se dit qu'une petite modification des faits du genre n'est pas si grave; après tout, certains politiciens mentent ou déforment les faits à répétition, et non seulement ne sont-ils pas suspendus pendant six mois, mais ils réussissent plutôt à se faire réélire. Force est d'admettre que le présentateur télé, malgré les parts de marché toujours moins importantes du petit écran face aux médias numériques, demeure cette grand-messe tant vantée pendant des décennies un peu partout en Occident. Qu'il s'agisse de NBC ou de Radio-Canada, le téléjournal de fin de soirée est encore considéré comme le grand rendez-vous de la journée pour s'informer, faisant du chef d'antenne un prêtre prêchant à ses ouailles rassemblées par dizaines de milliers devant la télévision.
Selon cette perspective, la punition de M. Williams prend alors tout son sens. Le grand manitou a menti - et a surtout reconnu ses torts - et doit donc être châtié pour en faire un exemple.
Le plus drôle, dans cette histoire, c'est qu'une fois la meute de chiens lâchés sur ce représentant suprême des "liberal medias", difficile de retenir les molosses. C'est ainsi que Bill O'Reilly, l'un des commentateurs et animateurs les plus forts en gueule du réseau Fox News, s'est retrouvé lui-même sur la défensive depuis quelques jours. M. O'Reilly, qui a affirmé à maintes reprises avoir couvert la guerre des Falklands en direct de l'île ayant fait l'objet d'un conflit entre l'Argentine et la Grande-Bretagne, a vu ses souvenirs contredits par des journalistes présents dans la région à l'époque. Selon des confrères de M. O'Reilly, les journalistes américains ne se seraient jamais approchés à moins de 1500 kilomètres des Falklands, et seraient plutôt demeurés à Buenos Aires, la capitale de l'Argentine.
Alors, M. O'Reilly mérite-t-il lui aussi d'être suspendu pendant six mois? Peut-être pour avoir directement menacé un journaliste du New York Times, mais Fox News s'est en fait portée à la défense de sa figure de proue, ce qui s'intègre parfaitement dans la stratégie du réseau visant à se présenter comme une entité acculée au mur par les "médias de gauche", qui sont ainsi qualifiés, à mots couverts, d'"antiaméricains", voire de "communistes". Et puis, les mauvaises langues s'en donneront à coeur joie en affirmant que pour que quelqu'un chez Fox News s'excuse d'avoir proféré des mensonges, encore faut-il que le réseau ait la moindre idée de ce qu'est la vérité...
Tout cela soulève la question: les journalistes sont-ils amenés à respecter un code trop sévère en matière de véracité de l'information? A-t-on seulement le droit à l'erreur? Et si oui, dans quelle mesure? Après tout, la perfection, aussi attirante puisse-t-elle être, n'existe pas. Et surtout pas dans les médias.
***
Un petit bonbon, avant de clore ce billet: Ezra Levant, le commentateur de Sun News qui a perdu son poste après l'échec des négociations pour vendre la chaîne, semble refuser de disparaître des ondes. Comme le mentionne le Huffington Post, M. Levant a créé une chaîne en ligne appelée The Rebel. En direct de son salon! "Préparez-vous à connaître la vérité", indique la bande-annonce de la chaîne. On a déjà préparé le maïs soufflé.
Chez nos voisins du Sud, le milieu journalistique est en émoi depuis quelques semaines, après que Brian Williams, sans doute le chef d'antenne le plus respecté du pays, eut été pris la main dans le sac alors qu'il a reconnu avoir modifié sa version des faits à propos de son passage en Irak, se plaçant au centre de l'action, alors qu'il en avait plutôt été spectateur. Résultat? Six mois de suspension par la chaîne NBC, et un torrent de critiques de la part de ses collègues, surtout chez Fox News et dans les médias plus à droite.
Sur le coup, on se dit qu'une petite modification des faits du genre n'est pas si grave; après tout, certains politiciens mentent ou déforment les faits à répétition, et non seulement ne sont-ils pas suspendus pendant six mois, mais ils réussissent plutôt à se faire réélire. Force est d'admettre que le présentateur télé, malgré les parts de marché toujours moins importantes du petit écran face aux médias numériques, demeure cette grand-messe tant vantée pendant des décennies un peu partout en Occident. Qu'il s'agisse de NBC ou de Radio-Canada, le téléjournal de fin de soirée est encore considéré comme le grand rendez-vous de la journée pour s'informer, faisant du chef d'antenne un prêtre prêchant à ses ouailles rassemblées par dizaines de milliers devant la télévision.
Selon cette perspective, la punition de M. Williams prend alors tout son sens. Le grand manitou a menti - et a surtout reconnu ses torts - et doit donc être châtié pour en faire un exemple.
Le plus drôle, dans cette histoire, c'est qu'une fois la meute de chiens lâchés sur ce représentant suprême des "liberal medias", difficile de retenir les molosses. C'est ainsi que Bill O'Reilly, l'un des commentateurs et animateurs les plus forts en gueule du réseau Fox News, s'est retrouvé lui-même sur la défensive depuis quelques jours. M. O'Reilly, qui a affirmé à maintes reprises avoir couvert la guerre des Falklands en direct de l'île ayant fait l'objet d'un conflit entre l'Argentine et la Grande-Bretagne, a vu ses souvenirs contredits par des journalistes présents dans la région à l'époque. Selon des confrères de M. O'Reilly, les journalistes américains ne se seraient jamais approchés à moins de 1500 kilomètres des Falklands, et seraient plutôt demeurés à Buenos Aires, la capitale de l'Argentine.
Alors, M. O'Reilly mérite-t-il lui aussi d'être suspendu pendant six mois? Peut-être pour avoir directement menacé un journaliste du New York Times, mais Fox News s'est en fait portée à la défense de sa figure de proue, ce qui s'intègre parfaitement dans la stratégie du réseau visant à se présenter comme une entité acculée au mur par les "médias de gauche", qui sont ainsi qualifiés, à mots couverts, d'"antiaméricains", voire de "communistes". Et puis, les mauvaises langues s'en donneront à coeur joie en affirmant que pour que quelqu'un chez Fox News s'excuse d'avoir proféré des mensonges, encore faut-il que le réseau ait la moindre idée de ce qu'est la vérité...
Tout cela soulève la question: les journalistes sont-ils amenés à respecter un code trop sévère en matière de véracité de l'information? A-t-on seulement le droit à l'erreur? Et si oui, dans quelle mesure? Après tout, la perfection, aussi attirante puisse-t-elle être, n'existe pas. Et surtout pas dans les médias.
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Un petit bonbon, avant de clore ce billet: Ezra Levant, le commentateur de Sun News qui a perdu son poste après l'échec des négociations pour vendre la chaîne, semble refuser de disparaître des ondes. Comme le mentionne le Huffington Post, M. Levant a créé une chaîne en ligne appelée The Rebel. En direct de son salon! "Préparez-vous à connaître la vérité", indique la bande-annonce de la chaîne. On a déjà préparé le maïs soufflé.
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