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L'affaire Péladeau, partie 6875

Et nous y voilà encore: le gouvernement libéral vient d'annoncer, par la bouche de son ministre Jean-Marc Fournier, qu'un mandat serait confié à un groupe d'experts de l'Université Laval pour examiner l'influence que pourrait avoir la sphère médiatique sur l'univers politique, et surtout lorsqu'il est question d'un patron de presse.



Si l'on met de côté l'ironie du fait que c'est plutôt l'influence du politique sur le médiatique qui est régulièrement dénoncé, impossible de ne pas croire que le gouvernement Couillard souhaite mettre des bâtons dans les roues de Pierre Karl Péladeau, candidat désormais déclaré à la chefferie du Parti québécois. N'y avait-il pas un sondage, publié il y a peu de temps, qui faisait état d'une victoire sans conteste du PQ si M. Péladeau était à sa tête?

Les libéraux ont peur, soit, mais le questionnement à la base de la réflexion n'en est pas moins valide: quid de l'influence, sur la politique, d'un éventuel PKP premier ministre et de son empire de presse? Si le magnat se départirait certainement de ses actions advenant son élection à la tête du parti - ou les placerait dans une fiducie sans droit de regard -, l'homme est étroitement lié à Québecor, et on peut spéculer sur le fait que ses anciens journalistes tâcheront d'épargner l'ex-patron, et ce même si personne n'oserait avouer une telle partialité.

Est-ce que PKP a sa place en politique? Certainement: il a le droit de défendre les idées et les valeurs auxquelles il croit, mais son passé de chef du plus grand conglomérat média du Québec soulève des questions d'impartialité, que ce soit de la part de M. Péladeau lui-même ou de ses anciens employés.

Déjà, l'ex-homme d'affaires a été critiqué pour avoir effectué des démarches dans le cadre de dossiers où Québecor aurait pu retirer un avantage spécifique. Plaidant l'erreur de débutant, le député de Saint-Jérôme est depuis plus prudent. Mais cela n'empêche pas que ses liens avec les médias seront autant d'épines dans son pied tout au long de son parcours politique.

Les liens entre les médias et la politique ne datent pourtant pas d'hier. Bernard Drainville, Pierre Duchesne et Christine Saint-Pierre ne sont que quelques-uns des plus récents journalistes à être passés de l'autre côté du mur pour cesser de couvrir la politique pour plutôt lui donner vie. Et c'est sans oublier René Lévesque, par exemple, qui est allé jusqu'à diriger le gouvernement.

Certes, le cas PKP est différent: aucun journaliste ayant ensuite oeuvré en politique n'avait, auparavant, dirigé un empire de presse doublé d'un géant des télécommunications comprenant un câblodistributeur, un fournisseur de téléphonie et un fournisseur d'accès Internet. Et la façon plus que cavalière dont Pierre Karl Péladeau traite la classe médiatique n'aide sa cause en rien.

Bâtissant sur l'initiative libérale, il serait nécessaire, pour tirer au clair toute cette question d'influences réciproques entre les médias et le politique, de mettre sur pied une commission parlementaire bipartisane où toutes les formations politiques, mais aussi les grands médias de la province et les organismes évoluant en périphérie, pourraient contribuer, histoire de parvenir à un consensus généralisé. L'équivalent médiatique de "Mourir dans la dignité".

Car à vouloir agir trop vite, à vouloir se précipiter pour barrer la route à l'adversaire (pour l'instant) le plus crédible à Philippe Couillard pour 2018, les libéraux se tirent dans le pied. Un éventuel projet de loi rédigé sans consensus sera forcément décrit comme injuste par le PQ et par d'autres acteurs concernés, et soit il mourra au feuilleton, soit il sera tabletté, soit il sera contesté devant les tribunaux. Un beau gaspillage de temps et d'argent, alors que le sujet mérite que l'on s'y attarde. Et pas qu'un peu.

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