Passer au contenu principal

L'Empire, les réfugiés et le poil

Nous revoici, bande de petits canaillous, alors que décembre refuse obstinément de montrer le bout de son nez, et que les foules en liesse se précipitent pour voir Star Wars: The Force Awakens. Comme j'ai moi aussi mes billets, mais seulement pour une séance prévue samedi, nous avons amplement le temps de nous regarder dans le blanc des yeux et d'éplucher une autre cargaison d'étrangetés et de bouffonneries médiatiques.



Je m'en voudrais, d'abord, de ne pas revenir sur le cinquième débat des candidats à l'investiture républicaine, diffusé mardi soir sur les ondes de CNN. Pas de gaffe des médias à proprement parler, mais la formule à sept candidats permet difficilement d'avoir des débats allant au-delà des accrochages entre deux candidats. La situation est encore plus étrange lorsque lesdits candidats s'appellent par leur prénom, mais se cassent mutuellement du sucre sur le dos. Le clou de la soirée? Donald Trump disant vouloir "pénétrer Internet" pour y débusquer les endroits où l'État islamique recrute des terroristes potentiels. Sans oublier Ben Carson qui, au moment de répondre à une question des modérateurs, souligne qu'il avait été laissé pour compte. Un peu plus, et notre coeur saignait.

Rigueur radio-canadienne

Bref, allons-y pour les étrangetés. D'abord, mention honorable à Radio-Canada, qui nous ressort un extrait vidéo de 1983 montrant l'actuel premier ministre fédéral, Justin Trudeau, alors qu'il vient de voir Le Retour du Jedi. Notons aussi que l'adresse de cette dépêche comporte le mot "mignon". Je veux bien croire que le diffuseur public est particulièrement heureux du fait que le nouveau gouvernement libéral ait rétabli un financement de 115 millions $, mais la "Trudeaumanie" atteint des proportions stratosphériques, ici.

Aux dernières nouvelles, personne n'avait diffusé de vidéo de Stephen Harper enfant pour quelque raison que ce soit, et encore moins alors qu'il jouait à Bataille navale au moment de la sortie de ce navet qu'était le film de 2012.


Par contre, je ne sais pas, vous, mais j'ai encore l'air de la Marche impériale qui me vient en tête lorsque je vois un discours de M. Harper...



Un visa et un selfie

Ah, qu'ils sont beaux, ces réfugiés! Personne ne remet en doute les sévices subits, la peur et les impacts psychologiques et physiques de la guerre civile en Syrie. Cependant, l'orgie médiatique ayant eu lieu lors de l'arrivée des premières cohortes de ces nouveaux arrivants à Toronto et à Montréal tenait davantage du spectacle voyeuriste que de l'information utile et nécessaire.

Voyez à quel point nos politiciens sont accueillants et dévoués, eux qui prennent le temps de serrer des mains et de distribuer des vêtements d'hiver... sous l'oeil bienveillant des caméras et des appareils photo, bien sûr.

Oui, une photo-op était prévisible; après tout, il s'agit d'un dossier important, autant sur le plan sociopolitique que sur le plan médiatique. On nous bombarde (excusez le mauvais jeu de mots) depuis des années à propos de la nécessité d'accueillir des réfugiés, et c'est effectivement une bonne idée de permettre à ces gens éprouvés de s'installer dans un pays qui a toujours carburé à l'immigration. Par contre, de voir le branle-bas médiatique autour de l'arrivée d'une poignée d'entre eux, avec reportages avant, pendant et après, donne pratiquement la nausée. Il n'y a donc rien d'autre aux nouvelles? On se croirait revenus à l'époque du Flushgate, avec le célèbre condom repêché par TVA (et rejeté dans le fleuve à la fin du topo). Laissez donc ces pauvres gens tranquilles, ils ont assez souffert comme ça, pas besoin de braquer des objectifs sur eux pendant que Denis Coderre se crée une nouvelle photo de couverture sur Twitter.

The terrorizing... terrorists

Enfin, une chronique média ne serait pas complète sans une mention de Fox News... saluons la grande intelligence de Bo Dietls, commentateur invité sur les ondes du réseau américain pour discuter de la question du terrorisme de l'État islamique, qui a lancé qu'il était nécessaire d'effectuer du profilage ethnique envers ceux qui se laissent pousser la pilosité faciale.

Oui, M. Dietl précise qu'il parlait des "musulmans", et donc des gens à la peau brune (Dieu nous préserve d'Américains blancs qui tueraient d'autres Américains blancs), mais le fait qu'il porte lui-même un fond de barbe est délicieusement ironique.

Voilà, c'est tout pour cette semaine. On se revoit en janvier. Joyeuses Fêtes!

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Souriez, votre journal vous surveille!

Nouvelle année, nouveaux kilos à perdre, mais surtout, nouvelles gaffes médiatiques. Ce qu'il y a de bien, avec un bêtisier, et surtout avec le monde des médias, c'est qu'il ne semble jamais manquer de matériel. C'est parti, donc, pour une année 2016. Plongeons allègrement dans le vif du sujet, comme on plonge dans des restants de tourtière. Le Telegraph  et la vie privée Moment de stupéfaction, lundi, alors que BuzzFeed annonçait que le quotidien britannique The Telegraph  avait installé de curieux petits boîtiers à chacun de ses postes de travail. L'utilité de ces gadgets? Vérifier si, en tout temps, les journalistes étaient à leur poste. Les appareils employés, produits par une compagnie appelée OccupEye (la pognez-vous?), fourniraient une "analyse automatisée de l'utilisation des espaces de travail" . Cela permettrait à la direction du journal d'avoir accès à un système qui est "ultrasensible, tout en étant ultrafiable lorsqu'

Mélanchon et le droit de pogner les nerfs

Événement un peu surréel en France, cette semaine, alors que Jean-Luc Mélanchon, ancien candidat à la présidentielle française, a "pété une coche", comme on dit en bon québécois, et s'en est pris vertement aux journalistes de la chaîne BFM qui s'indignaient des violences entourant l'annonce de la suppression de près de 3000 postes chez Air France. Rappelons qu'à l'annonce de ces compressions au sein du transporteur aérien français, des employés en colère s'en sont physiquement pris aux dirigeants de l'entreprise. Les images de ces derniers fuyant la foule, chemise en lambeaux, ont fait le tour du monde. Alors que plusieurs médias ont profité de l'incident pour affirmer que cet éclat de violence nuirait à l'image de la France à l'étranger, et donc aux investissements essentiels alors que l'économie de l'Hexagone bat de l'aile depuis belle lurette, l'homme de gauche prenait position aux antipodes de cette attitude.

Jeté dans l'arène, avec les lions

C'est le cirque! Mais l'arène accueille désormais plusieurs millions de spectateurs, et les lions ont gagné en droit de vote ce qu'ils ont perdu en crinière. Nous sommes en élections! Sonnez mirlitons, tambours et trompettes! Astiquez bien les bébés à embrasser! Affalez la grand-voile! Oups, heu, non, pardon. Puisque cette campagne regroupant nos quatre hommes blancs dans la force de l'âge sera longue, très longue, nous l'absorberons à petites doses. Une campagne homéopathique, en quelque sorte. Car si l'on intégrait tout ce remue-ménage d'un seul coup, notre cynisme citoyen - et médiatique! - en prendrait tellement un coup que nous pourrions finir par croire que déclencher les élections près de 80 jours avant la date du scrutin était vraiment un geste "honnête", puisque "les partis d'opposition étaient déjà en campagne". Parlant des conservateurs, justement, ceux-ci ont adopté une stratégie pour le moins surprenante en ce